Episodes

  • Liberté (Paul Éluard)
    Nov 29 2025

    Sur mes cahiers d’écolier
    Sur mon pupitre et les arbres
    Sur le sable sur la neige
    J’écris ton nom

    Sur toutes les pages lues
    Sur toutes les pages blanches
    Pierre sang papier ou cendre
    J’écris ton nom

    Sur les images dorées
    Sur les armes des guerriers
    Sur la couronne des rois
    J’écris ton nom

    Sur la jungle et le désert
    Sur les nids sur les genêts
    Sur l’écho de mon enfance
    J’écris ton nom

    Sur les merveilles des nuits
    Sur le pain blanc des journées
    Sur les saisons fiancées
    J’écris ton nom

    Sur tous mes chiffons d’azur
    Sur l’étang soleil moisi
    Sur le lac lune vivante
    J’écris ton nom

    Sur les champs sur l’horizon
    Sur les ailes des oiseaux
    Et sur le moulin des ombres
    J’écris ton nom

    Sur chaque bouffée d’aurore
    Sur la mer sur les bateaux
    Sur la montagne démente
    J’écris ton nom

    Sur la mousse des nuages
    Sur les sueurs de l’orage
    Sur la pluie épaisse et fade
    J’écris ton nom

    Sur les formes scintillantes
    Sur les cloches des couleurs
    Sur la vérité physique
    J’écris ton nom

    Sur les sentiers éveillés
    Sur les routes déployées
    Sur les places qui débordent
    J’écris ton nom

    Sur la lampe qui s’allume
    Sur la lampe qui s’éteint
    Sur mes maisons réunies
    J’écris ton nom

    Sur le fruit coupé en deux
    Du miroir et de ma chambre
    Sur mon lit coquille vide
    J’écris ton nom

    Sur mon chien gourmand et tendre
    Sur ses oreilles dressées
    Sur sa patte maladroite
    J’écris ton nom

    Sur le tremplin de ma porte
    Sur les objets familiers
    Sur le flot du feu béni
    J’écris ton nom

    Sur toute chair accordée
    Sur le front de mes amis
    Sur chaque main qui se tend
    J’écris ton nom

    Sur la vitre des surprises
    Sur les lèvres attentives
    Bien au-dessus du silence
    J’écris ton nom

    Sur mes refuges détruits
    Sur mes phares écroulés
    Sur les murs de mon ennui
    J’écris ton nom

    Sur l’absence sans désir
    Sur la solitude nue
    Sur les marches de la mort
    J’écris ton nom

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Liberté.

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    3 mins
  • Liberté ! (Victor HUGO)
    Nov 29 2025

    De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?
    De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
    Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
    De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
    Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
    L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
    Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
    Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
    Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?
    Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
    Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
    Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
    Et si la servitude inutile des bêtes
    Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
    Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
    Oh! de nos actions qui sait les contre-coups,
    Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
    Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
    Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
    Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
    Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
    Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
    Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
    Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?
    Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
    Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
    Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
    À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
    Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
    Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
    La balance invisible a deux plateaux obscurs.
    Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
    Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
    La volière sinistre est mère des bastilles.
    Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux !
    Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
    Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
    Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
    Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
    Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
    Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
    Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
    Se penche, et te dévoue à l'expiation.
    Je t'admire, oppresseur, criant: oppression !
    Le sort te tient pendant que ta démence brave
    Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
    Et la cage qui pend au seuil de ta maison
    Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.

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    3 mins
  • Le poème de Martin Niemöller
    Sep 18 2025

    Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes

    Je n’ai rien dit

    Je n’étais pas communiste.

    Lorsqu’ils sont venus chercher les sociaux-démocrates

    Je n’ai rien dit

    Je n’étais pas social-démocrate.

    Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes

    Je n’ai rien dit

    Je n’étais pas syndicaliste.

    Lorsqu’ils sont venus chercher les catholiques

    Je n’ai rien dit

    Je n’étais pas catholique.

    Lorsqu’ils sont venus chercher les Juifs

    Je n’ai rien dit

    Je n’étais pas Juif.

    Puis ils sont venus me chercher

    Et il ne restait plus personne pour protester.

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    1 min
  • Après l’hiver (Victor Hugo)
    Sep 16 2025

    N’attendez pas de moi que je vais vous donner
    Des raisons contre Dieu que je vois rayonner ;
    La nuit meurt, l’hiver fuit ; maintenant la lumière,
    Dans les champs, dans les bois, est partout la première.
    Je suis par le printemps vaguement attendri.
    Avril est un enfant, frêle, charmant, fleuri ;
    Je sens devant l’enfance et devant le zéphyre
    Je ne sais quel besoin de pleurer et de rire ;
    Mai complète ma joie et s’ajoute à mes pleurs.
    Jeanne, George, accourez, puisque voilà des fleurs.
    Accourez, la forêt chante, l’azur se dore,
    Vous n’avez pas le droit d’être absents de l’aurore.
    Je suis un vieux songeur et j’ai besoin de vous,
    Venez, je veux aimer, être juste, être doux,
    Croire, remercier confusément les choses,
    Vivre sans reprocher les épines aux roses,
    Être enfin un bonhomme acceptant le bon Dieu.

    Ô printemps ! bois sacrés ! ciel profondément bleu !
    On sent un souffle d’air vivant qui vous pénètre,
    Et l’ouverture au loin d’une blanche fenêtre ;
    On mêle sa pensée au clair-obscur des eaux ;
    On a le doux bonheur d’être avec les oiseaux
    Et de voir, sous l’abri des branches printanières,
    Ces messieurs faire avec ces dames des manières.

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    2 mins
  • Luisant Soleil, que tu es bienheureux (Louise Labé)
    Mar 25 2025

    Luisant Soleil, que tu es bienheureux
    De voir toujours de t'Amie la face !
    Et toi, sa sœur, qu'Endymion embrasse,
    Tant te repais de miel amoureux !
    Mars voit Vénus ; Mercure aventureux
    De Ciel en Ciel, de lieu en lieu se glace ;
    Et Jupiter remarque en mainte place
    Ses premiers ans plus gais et chaleureux.
    Voilà du Ciel la puissante harmonie,
    Qui les esprits divins ensemble lie ;
    Mais, s'ils avaient ce qu'ils aiment lointain,
    Leur harmonie et ordre irrévocable
    Se tournerait en erreur variable,
    Et comme moi travailleraient en vain.

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    1 min
  • J'arrive où je suis étranger (Louis Aragon)
    Mar 18 2025

    Rien n'est précaire comme vivre

    Rien comme être n'est passager

    C'est un peu fondre comme le givre

    Et pour le vent être léger

    J'arrive où je suis étranger


    Un jour tu passes la frontière

    D'où viens-tu mais où vas-tu donc

    Demain qu'importe et qu'importe hier

    Le coeur change avec le chardon

    Tout est sans rime ni pardon


    Passe ton doigt là sur ta tempe

    Touche l'enfance de tes yeux

    Mieux vaut laisser basses les lampes

    La nuit plus longtemps nous va mieux

    C'est le grand jour qui se fait vieux


    Les arbres sont beaux en automne

    Mais l'enfant qu'est-il devenu

    Je me regarde et je m'étonne

    De ce voyageur inconnu

    De son visage et ses pieds nus


    Peu à peu tu te fais silence

    Mais pas assez vite pourtant

    Pour ne sentir ta dissemblance

    Et sur le toi-même d'antan

    Tomber la poussière du temps


    C'est long vieillir au bout du compte

    Le sable en fuit entre nos doigts

    C'est comme une eau froide qui monte

    C'est comme une honte qui croît

    Un cuir à crier qu'on corroie


    C'est long d'être un homme une chose

    C'est long de renoncer à tout

    Et sens-tu les métamorphoses

    Qui se font au-dedans de nous

    Lentement plier nos genoux


    Ô mer amère ô mer profonde

    Quelle est l'heure de tes marées

    Combien faut-il d'années-secondes

    À l'homme pour l'homme abjurer

    Pourquoi pourquoi ces simagrées


    Rien n'est précaire comme vivre

    Rien comme être n'est passager

    C'est un peu fondre comme le givre

    Et pour le vent être léger

    J'arrive où je suis étranger.

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    4 mins
  • Je fuis la ville, et temples, et tous lieux (Louise Labé)
    Mar 14 2025

    Je fuis la ville, et temples, et tous lieux
    Esquels, prenant plaisir à t'ouïr plaindre,
    Tu pus, et non sans force, me contraindre
    De te donner ce qu'estimais le mieux.
    Masques, tournois, jeux me sont ennuyeux,
    Et rien sans toi de beau ne me puis peindre ;
    Tant que, tâchant à ce désir éteindre,
    Et un nouvel objet faire à mes yeux,
    Et des pensers amoureux me distraire,
    Des bois épais suis le plus solitaire.
    Mais j'aperçois, ayant erré maint tour,
    Que si je veux de toi être délivre,
    Il me convient hors de moi-même vivre ;
    Ou fais encor que loin sois en séjour.

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    1 min
  • Ne reprenez, Dames, si j'ai aimé (Louise Labé)
    Feb 25 2025

    Ne reprenez, Dames, si j'ai aimé,
    Si j'ai senti mille torches ardentes,
    Mille travaux, mille douleurs mordantes,
    Si en pleurant j'ai mon temps consumé,


    Las ! que mon nom n'en soit par vous blâmé.
    Si j'ai failli, les peines sont présentes.
    N'aigrissez point leurs pointes violentes ;
    Mais estimez qu'Amour, à point nommé,


    Sans votre ardeur d'un Vulcan excuser,
    Sans la beauté d'Adonis accuser,
    Pourra, s'il veut, plus vous rendre amoureuses


    En ayant moins que moi d'occasion,
    Et plus d'étrange et forte passion.
    Et gardez-vous d'être plus malheureuses.

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    1 min