Dans ce 44e épisode de "Iwwer Gott an d'Welt", Bob s'entretien avec Jean-Michel Renault, dessinateur de presse engagé et observateur acéré de notre époque, sur "le trait libre face aux dogmes". Ils parlent du dessin de presse, de la liberté d'expression et du droit au "blasphème".
Jean-Michel Renault explore depuis des années les lignes de fracture entre convictions intimes, pouvoir et liberté. À travers un trait incisif et un humour sans concession, il interroge ce qui, dans nos sociétés, se prétend intouchable. Président de l’association Ouste Anastasie!, qui œuvre pour la défense de la liberté d’expression et contre toutes les formes de censure, il s’impose comme une voix essentielle du débat démocratique contemporain.
Il vient de publier un nouvel album de bande dessinée, Crise de foi (ensemble avec Rafagé), financé par crowdfunding. Un ouvrage où se croisent religion, doute, laïcité et droit au "blasphème", abordés avec une ironie mordante et une rigueur intellectuelle assumée. À l’origine du projet : une accumulation de crispations, d’interdits implicites et de renoncements, qui ont nourri l’envie de consacrer un livre entier à ces tensions devenues centrales dans l’espace public.
Pour Jean-Michel Renault, le dessin de presse se distingue par sa capacité à frapper juste et vite. Une image, parfois, dérange plus qu’un long discours. Elle révèle des non-dits, met à nu des contradictions et agit comme un révélateur des peurs collectives. À l’heure où la satire est régulièrement mise sous pression — en France, au Luxembourg et ailleurs en Europe —, il observe un déplacement des lignes rouges : moins claires, plus mouvantes, souvent dictées par l’économie de l’indignation et la peur des réactions en chaîne.
Avec Ouste Anastasie!, il documente et combat des formes de censure multiples : institutionnelles, économiques, religieuses ou sociales, notamment à travers les campagnes de dénonciation sur les réseaux sociaux. L’enjeu, selon lui, est de défendre la liberté d’expression sans sombrer dans la provocation gratuite, mais sans jamais renoncer à la critique des idées — y compris celles qui se réclament du sacré.
La question du droit au "blasphème" occupe une place centrale dans sa réflexion. Souvent perçu comme une agression, il rappelle qu’il n’est en réalité qu’un prolongement logique de la liberté de conscience. Le dessin permet précisément de distinguer la critique des croyances de l’attaque contre les personnes, une confusion qui alimente nombre de conflits contemporains. Le "blasphème" devient ainsi, pour lui, un baromètre de la maturité démocratique.
La laïcité, enfin, constitue le cadre indispensable à son travail : un espace de respiration où aucune idée ne peut exiger un traitement privilégié. Il en souligne les malentendus fréquents — entre neutralité de l’État et liberté des individus — et observe les différences de culture politique entre la France et le Luxembourg, notamment dans la manière d’aborder la séparation des Églises et de l’État.
Derrière la satire, Jean-Michel Renault revendique une philosophie humaniste, fondée sur la raison, le doute et le pluralisme. L’humour y devient un outil pour désamorcer la peur, alléger les dogmes et rendre la pensée plus libre. Trouver l’équilibre entre rire et compassion reste un exercice de crête, guidé par une exigence morale constante dans le choix des cibles.
À l’heure où dessiner peut exposer à des violences symboliques ou réelles, et où les jeunes dessinateurs évoluent dans un climat de vigilance accrue, Jean-Michel Renault continue pourtant de croire au rôle essentiel de la satire. Parce que, face aux crises politiques, climatiques et identitaires, le rire demeure une forme de résistance — et le dessin de presse, un espace irremplaçable de liberté.
Vous pouvez contacter JMR par courriel ici: patapan@orange.fr
Voici sa page Facebook: https://www.facebook.com/jmrenaultcaricatures
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